Selon une étude américaine, ceux qui passent toute la journée à jongler de leur portable à leur ordinateur n'arrivent plus à se concentrer.
Ordinateur, téléphone portable, télévision, iPod… il est tout à fait possible et très tentant d'utiliser ces appareils en même temps. On peut lire ses courriels et en envoyer tout en répondant au téléphone pendant qu'on écoute un CD et qu'on cherche sur Google le nom du prochain film qu'on aimerait bien aller voir, et tout cela sans pouvoir s'empêcher de lire son dernier SMS et de regarder à la télé Usain Bolt battre le record du monde du 100 mètres à Berlin. Certains ne supportent pas cet éclatement, ils peuvent parfois même en souffrir. D'autres, au contraire, s'y complaisent. En anglais, on les appelle les multitaskers («multitâcheurs»), un terme dérivé de l'informatique où un ordinateur est dit «multitâche» quand il est capable d'effectuer plusieurs programmes en parallèle.
Ce nouveau type de comportement se rencontre de plus en plus souvent et pas seulement chez les jeunes. Faut-il s'en inquiéter ? Peut-être, car faire plusieurs choses à la fois pourrait avoir à la longue des effets négatifs sur les performances cognitives de ceux qui s'y adonnent. C'est ce que montre une étude conduite par une équipe de chercheurs pilotée par Eyal Ophir, psychologue de l'Université de Stanford, en Californie, publiée dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences américaine (Pnas, 24 août 2009). Selon ses auteurs, il s'agit de la première étude consacrée aux «multitâcheurs chroniques».
«Des détails insignifiants»
Les chercheurs de Stanford ont d'abord défini un seuil à partir duquel une personne peut être considérée comme un authentique multitâcheur. À partir de là, ils ont recruté une centaine d'étudiants, comprenant pour moitié des multizappeurs invétérés et de l'autre des jeunes beaucoup moins accros de l'écran et du téléphone portable.
Les deux groupes ont subi ensuite trois tests différents. Dans le premier exercice, destiné à mesurer l'attention et la faculté à bien repérer les changements significatifs (des figures géométriques de couleur présentées dans des dispositions différentes), les résultats des multizappeurs n'ont pas été bons du tout par rapport à ceux de l'autre groupe.
Même chose dans le deuxième test destiné à comparer les capacités de mémorisation (des suites de lettres de l'alphabet dont quelques-unes répétées à plusieurs reprises). «Plus on a introduit un grand nombre de lettres, plus les multitâcheurs ont été mauvais», souligne Eyal Ophir.
Plus surprenant encore, les multizappeurs ont eu de mauvais résultats au troisième test, destiné à évaluer les capacités à passer d'une activité à l'autre (des chiffres et des lettres différentes présentées à plusieurs reprises avec une attention portée tantôt sur les unes ou sur les autres). «Nous cherchions en quoi les multitâcheurs étaient meilleurs, mais nous n'avons pas trouvé», résume Eyal Ophir. «Ils courent toujours après des détails insignifiants», renchérit Clifford Nass, l'un des professeurs qui a participé à l'étude.
Les chercheurs ne vont pas en rester là. Ils se demandent maintenant pourquoi il existe un tel écart entre les deux groupes. Les multitâcheurs ont-ils des difficultés à se concentrer parce qu'ils zappent trop ou sont-ils nés comme ça ?