SANG SACRIFICIEL/SANG ARTIFICIEL
L’entreprise de fabrication du sang artificiel, maltraite l’un des symboles les plus enracinés de l’imaginaire humain, car le sang est universellement considéré comme le véhicule de la vie par l’ensemble des hommes quelque soit leurs confessions. L’artificialisation du sang relève d’un sacrilège inavouable : le passage d’un univers sacrificiel et sacré à l’univers biochimique banal de l’artéfact. L’artificialisation excommunie les valeurs purificatrices initiales du sang et rend cette falsification aseptisée, par les technologies, inconcevable. On a pu se rendre compte, en France, ces dix dernières années de l’émotion profonde qu’a suscitée l’affaire du sang contaminé.
Toutes les religions sont passées ou passent encore par des formes de piétés archaïques dominées par le sang et le sacrifice. L’imprégnation du sacrifice perdure. Dans l'islam chiite, la fête de l'Achoura est célébrée chaque année pour commémorer le martyre d'Hussein, le petit-fils du Prophète, par des scènes d'auto flagellation liée à l'épiphanie du sang.
La liquéfaction, en septembre et le premier dimanche de mai du sang solidifié de San Gennaro, conservée dans une fameuse ampoule, est attendue à Naples, par une foule fervente, dans la crainte du réveil prochain du Vésuve.Parfois, le sang est pris pour le principe de la génération. Selon une tradition chaldéenne, c’est le sang divin qui mêlé à la terre, donna la vie aux êtres. Selon divers mythes, le sang donne naissance aux plantes et même aux métaux.
Dans l'ancien Cambodge, l'effusion du sang au cours de joutes ou de sacrifices donnait la fertilité, l'abondance, le bonheur; elle présageait la pluie. Le sang, mêlé à l'eau, qui coule de la plaie du Christ, est recueilli dans le Graal, il est par excellence le breuvage d'immortalité.
La boucle se reboucle. La fabrique du sang artificiel à la recherche d’un sang purifié cliniquement, assurant un prolongement de survie, est loin de se trouver en opposition réelle avec les mythes fondateurs des religions. Elle retrouve, par les voies des biotechnologies,certains fondements des utopies régénératrices.
LE SANG ARTIFICIEL
Le sang n’est par ailleurs qu’un tissu liquide, présent uniquement chez les animaux supérieurs et chez plusieurs Invertébrés. Il est formé de cellules vivantes qui se trouvent en suspension dans une solution liquide. Il remplit grâce à la circulation, de multiples fonctions fondamentales pour la vie comme les échanges respiratoires et nutritifs, la régulation de la constance du milieu intérieur, la répartition et l'égalisation de la chaleur et la défense de l’organisme.
Le rôle vital du sang a été compris dès la préhistoire mais il a fallu attendre longtemps les découvertes en hématologie, qui, demeurées dans l'ombre, sont l’œuvre de chercheurs isolés et écrasés par le poids de la tradition et de la religion.
Le sang irrigue tous les tissus de l’organisme et apporte l’oxygène et les nutriments nécessaires au métabolisme. Il recueille les déchets et le gaz carbonique qu’il emmène jusqu’aux organes d’élimination (reins, poumons,...). Le sang se compose de plasma, de globules rouges (érythrocytes), de globules blancs (leucocytes) et de plaquettes. La fonction de transport des gaz respiratoires (oxygène et gaz carbonique) est assurée par les globules rouges. Les globules rouges contiennent l’hémoglobine qui se lie facilement et de façon réversible à l’oxygène. Les globules blancs constituent un des moyens de défense de l’organisme. Les plaquettes, quant à elles, interviennent dans la coagulation.
Pour l’instant, aucun produit ne peut remplacer le sang. Il existe cependant des substituts temporaires assurant la fonction de transport de l’oxygène quand les réserves de sang sont limitées. Ces substances peuvent être utilisées dans le cas d’une hémorragie ou d’une transfusion pendant une opération chirurgicale.
Voici la description de plusieurs substances de transport d’oxygène qui pour l’instant ne sont qu’à un stade expérimental chez l’homme:
- Fluorocarbones:
Ce sont des substituts chimiques dont la propriété est de transporter l’oxygène. Ces produits doivent être injectés sous ventilation artificielle car la pureté de l’air respiré a une influence directe sur la quantité d’oxygène emmagasinée.Le Fluosol conçu au Japon et utilisé pour la première fois aux Etats-Unis en 1982, est une substance chimique qui joue le rôle d’un milieu où l’oxygène se dissout. Ce produit n’est utilisé que temporairement (prévention d’ischémie lors d’une crise cardiaque par exemple). Il présente des effets secondaires comme l’inhibition du système immunitaire Un autre produit, l’Oxygent fabriqué par le laboratoire californien Alliance, est basé sur le perflubron. Cette émulsion de fluorocarbures est faite de particules dans lesquelles se dissout l’oxygène lors du passage du sang dans les poumons.
- Hémoglobine chimiquement modifiée: On modifie chimiquement l’hémoglobine en créant un pont chimique entre deux de ses quatre chaînes polypeptidiques et en liant plusieurs molécules d’hémoglobines entre elles. Cette nouvelle hémoglobine fournit plus d’oxygène aux tissus que l’hémoglobine normale.Ce produit présente plusieurs inconvénients: l’hémoglobine modifiée entraîne une constriction généralisée des vaisseaux et des bactéries ont tendance à s’y adhérer
- Hemopure: Substitut naturel mais non humain contenant de l’hémoglobine purifiée extraite de sang de bœuf [5].
- Néohémocytes: Erythrocytes artificiels fabriqués par des chercheurs de l’université de Californie à San Francisco. Le principe est basé sur l’emprisonnement de molécules d’hémoglobine naturelle dans des bulles phospholipidiques. Ces bulles sont douze fois plus petites que les érythrocytes naturels et ont une durée de conservation 5 fois supérieure aux érythrocytes naturels. Il n’y a pas encore d’essais sur les humains [5].
- Plans de tabacs: On introduit des gènes de l’hémoglobine dans des plants de tabacs par le biais d’une bactérie pathogène des plantes. Ces plants de tabacs transformés, fabriquent dans leurs graines et leurs racines de l’hémoglobine humaine et fonctionnelle. Mais cette molécule est fragile et ne possède qu’une durée de vie de quelques heures. Cette hémoglobine artificielle présente l’avantage d’être compatible avec tous les groupes sanguins. Les recherches s’intéressent au remplacement des plants de tabacs par du colza ou du maïs qui sont plus productifs [7].
Vaisseaux sanguins fabriqués en laboratoire
À partir de quelques cellules humaines, des chercheurs ont fait pousser des vaisseaux sanguins prêts à greffer.
Un patient qui subit un pontage coronarien a besoin de vaisseaux sanguins de rechange. À l'heure actuelle, les chirurgiens utilisent soit des vaisseaux provenant des jambes du malade, soit des vaisseaux faits de matériaux synthétiques, qui ont tendance à boucher après quelque temps. Ils rêvent de pouvoir utiliser des vaisseaux neufs entièrement biologiques, cultivés à partir de cellules du malade, de façon à éviter tout rejet.
Une équipe de l'Université Duke, en Caroline du Nord, a conçu de tels tissus. Ils expliquent avoir cultivé quatre artères d'une longueur de 8 centimètres et d'un diamètre de 3 millimètres.
Ils ont d'abord prélevé un échantillon de cellules musculaires lisses humaines, le matériau de base des vaisseaux sanguins, et ils les ont déposées dans un milieu de culture pour qu'elles se multiplient. Ce type de cellules présente cependant un défaut majeur : elles prolifèrent de façon limitée.